Quelques impressions à la suite du camp 2018 par Olga Laham, membre de l’équipe de catéchèse 2018

Cela faisait cinq ans que je n’étais pas revenue à la Servagère et, tandis que les bus négociaient les virages serrés de la route, je me demandais si j’allais retrouver là-haut tout ce qui faisait « le camp » et que j’avais pu connaître durant tant d’années, d’abord en temps qu’enfant et adolescente, puis en tant que rouko et membre du personnel. Je fus rassurée au premier instant : à peine un bol en pyrex dans la main, rempli de l’inimitable thé du camp dont on se délecte malgré l’âpreté, j’eus le sentiment de n’avoir jamais quitté les lieux.

Rien n’avait changé et pourtant, en cinq ans, une génération était passée, à tel point que je n’avais même pas connu les plus anciens roukos du temps où ils étaient enfants dans les groupes. Il m’a fallu réapprendre à percevoir ces lieux tellement familiers, ces coutumes immuables, en compagnie de nouvelles personnes. Cela fut une source de grande joie : je pus constater que, sans le moindre doute, l’essence du camp perdurait. Un motif permanent d’interrogation, aussi : si nous avons tant besoin de traditions pour nous construire, nous structurer, comment faire en sorte que ces coutumes acériennes continuent de transmettre un sens et ne soient pas seulement un cadre que l’on respecte parce qu’on a toujours fait comme ça ? Prière du matin, drapeau, services, première heure d’activité… À première vue, chaque moment se trouve intégré avec le plus grand naturel dans le tissu de la vie communautaire. Ces activités sont néanmoins appelées à être sans cesse réadaptées à la réalité de situations nouvelles, tout en gardant à la racine la transmission de sens qui est la raison d’être du camp.

L’esprit du camp, son essence, son but… Il n’est pas inutile de le redéfinir. Le camp est un lieu de vie communautaire qui a pour socle le Christ. Il est un petit miracle d’équilibre qui laisse percevoir ce que pouvait être la communauté apostolique où l’amour était tel que tous les biens se trouvaient en commun - tels les tubes de dentifrices partagés dans les salles de bain… On tente de faire l’expérience, le temps d’un mois, ce qu’aspire à être la communauté ecclésiale ancrée dans l’amour trinitaire. Un équilibre fragile, sans cesse en train de se faire et de se déchirer, au gré des disputes et des réconciliations des enfants, des dissensions et des retrouvailles des adultes. Rien d’autre qu’une micro-société humaine, en somme, mais qui veut faire ce pari de fonder son interaction sur la présence du Ressuscité au coeur des plus humbles moments de vie.

Combien symbolique fut, à ce titre, la bénédiction de la mosaïque ornant le porche de l’église, durant le week-end festif marquant le milieu du camp. Monseigneur Jean ne fut pas avare d’eau bénite, pour la plus grande joie des petits. Tous ont perçu la solennité du moment, même s’il était un peu long au goût de certains. Ce médaillon du Christ, formé d’une multitude de tesselles, représentait, ainsi que l’a expliqué la mosaïste Marie-Noëlle Garrigou qui l’a élaboré, chacun d’entre nous uni au corps du Christ. Combien parlante aussi la façon d’adapter ensuite au pied levé les vigiles qui ont suivi et qui, vue l’ampleur inattendue qu’avait pris la cérémonie de bénédiction, risquait de n’être qu’une longue tor-ture pour nombre d’enfants peu habitués à se trouver aussi longtemps à l’église. Aucun mépris du typicon dans la décision de raccourcir l’office d’une demi-heure, mais la conscience que « le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat ». Là encore, l’esprit du camp était à l’oeuvre.

Il a culminé dans la grande fête qu’est chaque dimanche à la Servagère, où la joie du Royaume si chère au père Alexandre Schmemann - membre actif de l’ACER dont l’empreinte est tangible dans le mouvement - s’est faite palpable. La communion au calice eucharistique a inauguré une journée de liesse, de moments partagés et déclinés selon tous les goûts - chants, danses, matchs, déjeuner festif, grand jeu, spectacle préparé par chaque groupe… Sur le terrain de foot, petits et grands formaient une longue farandole avançant au chant du psaume 125 en hébreu : « Le Seigneur a fait pour nous des merveilles, nous avons été remplis de joie ! » Se rappeler d’un dimanche au camp depuis la grisaille hivernale ou au coeur d’une situation épineuse, ce n’est pas sombrer dans la nostalgie d’un souvenir révolu, c’est reprendre conscience qu’une telle allégresse existe et qu’elle a pour nom communion.

Autre motif d’émerveillement : l’insatiable curiosité des enfants à comprendre la vie, les questions fusant tout azimut en catéchèse sur les anges (« facteurs de Dieu » selon la définition d’un petit), le mal, les miracles… Le saisissement des plus grands à l’évocation du destin christique de Mère Marie ou de saint Jean Lagovsky, membres comme eux de l’ACER. Ces moments de discussions, diversement appréciés selon la disponibilité intérieure de chacun, ne prennent sens qu’inclus dans la vie du camp, mise en pratique per-manente de l’esprit évangélique. Tout est ici appelé à être intégré dans un unique mouvement ascendant : les tâches quotidiennes et le plaisir du jeux, les ressentiments et les pardons, les excursions où on traîne des pieds et la beauté saisissante de la montagne. Tout est embrassé par le regard doux du Christ, en pierre du Vercors, qui préside à chaque moment du camp depuis le fronton de l’église.

Plus encore qu’une école de vie où, à tout âge, on apprend le difficile exercice de cohabiter, le camp peut être l’expérience de la Vie donnée en plénitude, à mesure où chacun cultive la présence du Donateur de Vie. « Abaisse du ciel ton regard sur tes serviteurs qui se sont unis pour glorifier ton nom » récite-t-on chaque soir d’une seule voix dans l’église, selon les mots de la prière des membres de l’ACER. « Accrois notre foi, enflamme nous d’amour pour nos frère et accorde-nous la patience, l’humilité et la douceur. Supplée à notre pauvreté et à notre faiblesse à confesse ton Nom. Envoie-nous l’Esprit Saint afin que nous glorifions en ce monde ton Église. » Que ces mots souvent récité par des lèvres distraites deviennent une réalité vécue par chacun au plus intime de son coeur : voilà le miracle imperceptible, la lente transformation appelée à s’accomplir au fil de ces flamboyantes journées d’été. 

 

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