Sainte Marie de Paris

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La future sainte martyre Marie est née Elisabeth Pilenko à Riga en Russie le 8 décembre 1891. Sa mère, née de Launay, descendait du dernier gouverneur de la Bastille. L’enfance d’Elisabeth (Liza) se déroula dans la propriété familiale, au milieu des vignes, sur le littoral de la mer Noire. Son père meurt brusquement en 1906, provoquant chez sa fille une crise grave ; elle dit : « cette mort est injuste, comme il ne peut y avoir de Dieu injuste, c’est qu’il n’y a pas de Dieu ». La famille s’installe à St Petersburg où Liza fait une brillante scolarité dans des lycées privés. Elle aime la poésie, l’art et les débats d’idées. Elle fait la connaissance du poète Alexandre Blok et éprouve pour lui un sentiment amoureux mêlé du désir de le protéger. En 1910, elle épouse Dimitri Kouzmine-Karavaiev « pour lui donner une discipline de travail et le sauver » Elle poursuit ses études tout en fréquentant les salons littéraires où se déroulent d’interminables discussions, où l’on refait le monde. Liza publie un recueil de vers. Mais cette vie chaotique lui répugne : « nous ne reculons devant aucun mot ; cyniques et impudiques, nous sommes les acteurs de la rupture entre le peuple et l’intelligentsia » La guerre de 1914 provoque chez elle un sursaut patriotique et mystique, elle se sent attirée par le Christ, passe des heures à genoux pour, dit elle, « l’obliger à se révéler ». Séparée de son mari, Liza s’inscrit à l’Académie religieuse de St Petersburg. Lors d’un séjour sur la mer Noire, elle rencontre un homme « aimant la terre et le ciel », comme A. Blok lui avait suggéré. De cette brève liaison naît une fille dont le prénom, Gaïana, signifie « terre ».

En 1917, elle adhère au parti socialiste-révolutionnaire, qu’elle considère comme le parti du sacrifice de soi. En 1918, fuyant le bolchévisme, elle rentre à Anapa, dans la propriété familiale et devient maire, fait sans précédent pour une femme. Elle offre l’un de ses domaines aux paysans pour en faire une école. La guerre civile entre « Blancs » et « Rouges » fait rage. Déterminée à faire son possible pour protéger la population face aux anarchistes, elle n’hésite pas à mettre sa vie en péril. Quand Anapa tombe aux mains des Blancs, Liza est arrêtée et inculpée de collaboration avec les bolchéviques. Elle se défend avec énergie et est amnistiée. L’ami de l’avocat est un officier cosaque Danilo Skobtsov. Il tombe amoureux de Liza et l’épouse quelques jours plus tard. Mais il faut fuir. Via la Géorgie, puis Constantinople et la Serbie, Liza, sa mère, son mari et les trois enfants, Gaïana, Youri et Anastasia viennent en 1923 s’installer en France. Les conditions de vie sont très dures ; pauvreté, privations sont leur lot quotidien. Liza confectionne des poupées, des fleurs en tissu, désinfecte des appartements, Danilo est chauffeur de taxi. Elisabeth entre en contact avec l’ACER dont elle devient la secrétaire itinérante. Elle visite les émigrés russes dispersés dans les provinces françaises, travaillant dans des mines, des chantiers. Elle s’occupe aussi des malades mentaux. Pour alerter l’opinion sur la misère de ses protégés, elle écrit des articles dans les journaux de l’émigration et fait des campagnes de sensibilisation pour recueillir des fonds. Mais sa vie de couple s’en ressent et Danilo et elle se séparent. Leur fillette de 2 ans, Anastasia, meurt en 1926. Cette épreuve est décisive pour Elisabeth qui y voit une « visitation de Dieu ». Elle écrit : « Rien n’a jamais été inventé de plus fort que ces paroles : Aimez-vous les uns les autres. Seulement, il faut aller jusqu’au bout et ne pas faire d’exceptions. Alors tout sera justifié et la vie illuminée. Sans cela, tout est horreur et pesanteur ». Elle publie deux recueils de Vie de Saints sous le titre Moisson de l’Esprit. La forme de sainteté qui l’attire, c’est le sacrifice total. Elle prend conseil auprès du père Serge Boulgakov et du Métropolite Euloge.

En 1932 a lieu sa profession monastique. Mgr. Euloge lui dit : « Je te nomme Marie, en mémoire de sainte Marie l’Egyptienne. De même qu’elle se retira dans le désert après une vie orageuse, va, parle et agis dans le désert des cœurs humains ».

 

Mère Marie se fixe comme objectif de créer des lieux d’accueil pour les Russes démunis. Comme elle trouve que l’ACER ne la suit pas dans cette voie, elle crée l’Action Orthodoxe et aidée par le père Dimitri Klépinine et Théodore Pianov, elle ouvre à Paris un premier foyer villa de Saxe, puis un second 77, rue de Lourmel qui deviendra vite le centre d’une activité foisonnante : une paroisse est ouverte dédiée à la Protection de la sainte Mère de Dieu que mère Marie enrichit de broderies et de vitraux, elle ouvre une école du jeudi pour les enfants, des conférences ont lieu régulièrement, une cantine bon marché rassemble tous les jours étudiants et adultes désargentés, un atelier de confection d’uniformes pour l’armée française permet à de nombreuses femmes d’obtenir une carte de travail.

En 1939, la guerre éclate et Paris est occupé. Le foyer devient l’un des hauts lieu de la Résistance. Des colis et des mandats sont envoyés aux prisonniers. Quand sont publiées les lois anti-juives, mère Marie écrit son fameux poème l’Etoile de David qui circule sous le manteau : « Que ceux qui portent le sceau de l’étoile hexagone sachent répondre d’une âme libre au signe de la servitude » Elle dit : « Si nous étions vraiment chrétiens, nous mettrions tous l’étoile jaune », dit-elle. Aux Juifs menacés d’arrestation, le comité de l’Action Orthodoxe trouve des refuges, le père Dimitri les baptise ou leur fournit des certificats d’appartenance à sa paroisse. Toutes ces activités finissent par alerter la Gestapo qui débarque à Lourmel le 8 février1943. Youri Skobtsov est arrêté, puis deux jours plus tard, père Dimitri . Détenus au camp de Compiègne, ils seront déportés à Buchenwald où ils périront en février 1944. Mère Marie se rend elle-même à la Gestapo, espérant obtenir la libération de son fils. Elle sera déportée au camp de concentration de Ravensbrück au nord de Berlin. Pendant sa détention, elle ne cesse d’encourager ses compagnes, décore son baraquement, organise de petites conférences, brode son fameux « foulard du débarquement » ainsi qu’une ultime icône de la Mère de Dieu tenant dans ses bras son fils crucifié. Le Vendredi Saint 31 mars, elle est gazée. Elle ne craignait pas la mort, pour elle c’était une seconde naissance vers le Royaume. Ô mort, non je ne t’ai pas aimée J’ai aimé ce qui est vivant en ce monde : L’Eternité.

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